Hier matin je me suis éveillée dans un monde très différent de celui que j’avais coutume de voir. Á travers les vitres de la fenêtre j’ai découvert un paysage que je n’avais jamais vu sous un aspect si différent. Et pourtant je ne dormais plus, je ne rêvais plus, j’étais bien réveillée, lucide et mes yeux voyaient bien ce que je voyais. Tout était blanc comme recouvert d’un tapis épais aux formes enveloppantes et douces. Jamais je n’avais encore vu une blancheur si rayonnante, si apaisante.
Sans précipitation mais avec curiosité je suis sortie très doucement et j’ai pénétré dans ce paysage qu’une nuit avait suffi à changer en nouveau monde. Disparus les objets, les reliefs et les repères. Recouverts la terrasse, les fleurs, les arbres. Du blanc, que du blanc et quel blanc !
Après avoir humé la fraicheur de cette blancheur, j’ai osé m’avancer dans ce qui pour moi était un univers inconnu. Dés les premiers petits pas timides mes pattes se sont enfoncées, sans ressentir la moindre résistance, au fond du manteau blanc. Une voluptueuse impression de froideur enveloppante est montée en moi.
Doucement j'ai continué à avancer et je suis arrivée devant un inconnu qui m’a soudainement interpellée pour me dire :
« Qui est tu ?, d’où viens tu ? ».
Je ne l’avais jamais vu cet intrus. Il était chez moi et me demandait ce que je faisais là.
« Mais je suis chez moi, même si ce n’est pas comme d’habitude, c’est chez moi. C’est toi qui dois m’expliquer ce que tu fais là ! »
« Je suis né tôt ce matin. Ta maitresse m’a mis au monde en rassemblant un beau paquet de neige tombée cette nuit et m’a posé là. C’est ainsi que nous naissons, de la main des gens, des enfants qui font de la neige ces petits hommes que vous appelez bonhommes de neige. Regarde moi bien, ma vie est courte et parfois même très courte ».
« Comme il fait froid. On a pas envie de rester comme toi immobile, on gèle »
« Moi j’aime le froid et je ne réclame rien d’autre. Je ne demande que ça, du froid, toujours du froid ».
« Moi je préfère la tiédeur du printemps ou de l’automne, même la chaleur de l’été me convient mieux. Vivre et aimer le froid comme toi ne me convient pas ».
« Mais tu ne comprends pas que pour moi, sans le froid il n’y a plus d’avenir. C’est le froid qui fait que je peux naitre, sans lui je n’existerais pas et sans lui je disparais, je fonds, je redeviens ce que j’étais, de l’eau ».
« Je comprends, tu es un enfant du froid né dans un pays où tu ne peux pas survivre longtemps. C’est triste. C’est très triste pour tous ceux qui comme toi naissent là où il n’y a pas d’espérance de vie heureuse et parfois pas d’espérance de survie tout simplement. Ici pour les chattes et les chats ce n’est pas toujours facile mais on a un climat qui nous convient, et souvent la chance d’être adoptés et de vivre avec des maîtres qui nous nourrissent, nous cajolent, et même qui nous gâtent. Ce que tu me dis me rend triste. Il y a peut-être une solution pour te sauver. Je vais y réfléchir. La météo a annoncé que le froid va se maintenir encore une semaine au moins. Tiens bon. ».
De retour à la maison Noëlle s’est réfugiée dans le creux de son fauteuil préféré et s’est plongée dans un demi-sommeil, concentrée sur le problème qu’elle voulait résoudre. Mais sa concentration fut si forte qu’elle finit par s’endormir. Ce n’est que deux heures plus tard qu’elle se réveilla soudainement, en tendant ses deux pattes avant en l’air comme pour dire « Hourrah ! ».
Dans son profond sommeil un beau rêve est venu éclairer Noëlle et lui dire comment elle pourrait sauver le petit homme de neige. Alors, elle est allée voir ses maîtres Marie-Claude et Christian pour leur expliquer la situation et pour demander qu’ils l’aident.
Pour sauver le petit bonhomme de neige il n’y avait qu’une solution : le transporter dans un pays très froid où la neige ne fond jamais. La région la plus proche, la mieux adaptée est le grand Nord. Avec ses maîtres, Noëlle regarda une carte du monde et après longues réflexions choisit l’extrême nord de la Finlande, la Laponie, le pays où vivent les ours blancs, les rennes, les pingouins, les esquimaux et le père-Noel. C’est sûr que là-bas il sera bien entouré et qu’il sera heureux. Près du Père-Noel, il ne pouvait pas trouver mieux !
Ce ne fut pas facile mais avec beaucoup d’efforts tout fut fait dans les meilleures conditions. Le bonhomme de neige fut déposé dans une belle caisse bien isolée sur laquelle on avait mis une étiquette « Attention fragile, transporter debout ». Cette caisse fut chargée dans un camion frigorifique qui emmenait des poulets de Touraine congelés en Finlande à Helsinki. Grande surprise le Père Noel qui avait été informé est venu avec son traineau tiré par ses gentils rennes et a pris en charge le petit homme de neige pour le transporter chez lui, là-bas au Pôle Nord.
Voilà comment un petit homme de neige né en France, à Tours après une nuit froide d’hiver au début du mois de janvier , a eu la chance de rencontrer une petite chatte nommée Noëlle qui lui a permis de partir dans un pays où il vivra heureux pour l’éternité.
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