Détrompez-vous. Le tango que vous avez entendu, dansé, dans les bals musette et dans les thés dansants est loin d’être celui qui vient d’être reconnu patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO. Le tango, savant métissage de musiques populaires traditionnelles comme la habanera, le candombe, et la milonga, enrichi par les immigrations européennes (europe centrale, Italie) qui lui ont apporté leurs richesses musicales a constamment évolué. Le tango est une musique « savante » sur laquelle des textes souvent poétiques ont été écrits par de grands auteurs. Le tango c’est Buenos-Aires et Montevideo, c’est le Rio de la Plata, le tango est « porteño ». De la fin du XIXéme siécle à aujourd’hui le tango a une histoire riche, une évolution particulièrement intéressante que je vous conseille de découvrir.
Suit un article de la tribune de Genéve qui retrace l’histoire de cette expression culturelle musicale et poétique :
L’Unesco classe le tango patrimoine culturel immatériel
danse | L’Argentine et l’Uruguay ont obtenu son classement.
ÉTIENNE DUMONT | 02.10.2009 | 00:03 LA TRIBUNE DE GENEVE
Il a beau sembler charnel. Il s’agit désormais d’un patrimoine immatériel. Le tango s’est vu classé par l’Unesco mercredi à Abou Dhabi, à la demande de l’Argentine et de l’Uruguay. Dans cette liste, encore jeune, ils ont rejoint des «pratiques, connaissances ou savoir-faire considérés par des communautés comme faisant partie de leurs acquis culturels». En font aussi bien partie la samba que le langage sifflé de l’île de la Gomera ou la tapisserie d’Aubusson. La Suisse reste absente de ce classement. Yodle ou Guggenmusik répondent pourtant bien aux conditions requises. Certains de ces objets semblent en voie d’extinction. D’autres pas. Le tango se porte ainsi comme un charme. Il s’agit pourtant d’une danse séculaire. Pour tout dire, ses origines se perdent dans la nuit des temps. Les historiens se contredisent. Une chose est sûre. Il s’agit d’un métissage réussi sur les berges du Rio de la Plata. L’Europe et l’Afrique s’y mélangent. Si le rythme vient du continent noir, l’idée de danser en couples découle de la valse qui fit elle aussi scandale autour de 1800.
L’adoubement de Paris
Deuxième élément certain. C’est une danse d’hommes. Terre d’immigrés, l’Argentine a longtemps compté 70% de mâles. Le tango est du coup resté confiné aux mauvais lieux. Il lui faudra l’adoubement de l’Europe pour devenir respectable. Ce scénario social se répétera quelques années plus tard pour le jazz.
En 1913, un tango aseptisé envahi donc Paris ou Londres. La bonne société adore. Tout devient tango, y compris la couleur, qui désigne un orange vif. La comtesse Mélanie de Pourtalès s’écrie: «Faut-il vraiment le danser debout?» L’archevêque de Paris hurle. Le pape se verra prié de trancher. Pour Pie X, «ce n’est pas un péché». Ouf!
Les années 20 restent encore favorables au tango mondain, qui quitte ensuite les pistes. Il s’agit désormais en Europe d’une danse de compétition, aux figures codifiées exécutées par des partenaires un peu raides, aux antipodes des improvisateurs sud-américains. En 1935 disparaît le mythique chanteur Carlos Gardel. Avec son mystère. Nul n’a jamais pu savoir si l’homme était né en 1890 à Toulouse ou en Uruguay.
Les années 40 et 50 marquent le sommet de la vogue populaire du tango argentin. En plein air, des bals réunissent jusqu’à 15'000 couples. Comment assurer ainsi le «cabaceo», la manière si discrète d’inviter, dans les «milalongas», une partenaire inconnue? La montée du rock et autres musiques américaines puis l’insécurité politique suscitent ensuite un reflux.
Après avoir sauté une génération, le tango revient en force avec Astor Piazzola dans les années 80. Ce retour culmine vers l’an 2000. Les Argentins découvrent ainsi que des étrangers peuvent faire mieux qu’eux. Buenos Aires a beau compter 80 écoles de tango. En août dernier, des Japonais sont devenus No 1 du Mondial de danse organisé là. Soyons justes. Les grands maîtres de la céramique nippone sont aujourd’hui souvent Néerlandais ou Américains.
Ces étrangers sont-ils des imitateurs ou des créateurs? Difficile de répondre. Côté music-hall, les Britanniques excellent dans le genre acrobatique. A New York, les Latinos développent leurs propres tendances. Mais c’est, aussi incroyable que cela puisse paraître, en Finlande que le tango a pris des racines quasi nationales depuis les années 30. Ces Nordiques ont un peu ralenti le rythme. Ils chantent en finnois. De quoi faire chavirer les cœurs, en juillet, lors du festival Tangomarkkinat…
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