Nous avons passé un séjour agréable avec des amis qui nous ont reçus sur l'île de Ré en Septembre. Ce fut pour moi l'opportunité de faire un voyage imaginaire dans le temps et de voir un autre Saint-Martin-de-Ré que celui que j'avais devant moi. Accompagné, enveloppé par l'histoire riche de ce petit port, j'ai souhaité refaire le cheminement des condamnés à la transportation. Je les ai vus devant la porte du pénitencier encadrés par les gendarmes et marchant d'un pas lourd et inquiet sur le chemin pavé pour se diriger vers le port. Bruits de sabots, bruits de chaînes, commandements hargneux, foule de badauds haineux, et dans le ciel le cri des mouettes indifférentes à ce spectacle horrible. Pas de pitié pour ceux qui traînent, trop faibles ou handicapés. Ces condamnés sont du bétail qu'on mène à l'abattoir. Comment pourrait-il en être autrement, ne méritent-ils pas d'être maltraités. N'auraient-ils pas d'ailleurs mérité la peine capitale, la guillotine? La foule, les conspue, crache sur eux. Cette foule qui ne sait rien sinon que la justice a délibéré pour leur internement loin du continent, là d'où ils ne pourront jamais revenir. Ce jour il faisait un temps superbe à Saint-Martin-de-Ré. Je ne peux pas imager qu'il en fut ainsi le jour du départ au bagne. Le ciel était forcément chargé de nuages sombres, et sûrement pleuvait-il et que le vent grondait. Un départ au bagne ne peut pas se faire sous un soleil radieux. Même le temps doit être chargé de tristesse.
J'ai revu ces bagnards aux regards creusés, la torpeur au ventre embarquer sur le paquebot et descendre au fond de la cale pour y être enchaînés. Opération que le capitaine du navire trouvait trop longue. La marée n'attend pas, il faut suffisamment d'eau pour quitter le port. Sifflement de la sirène, gros nuage de vapeur qui s'échappe de la cheminée, le navire s'écarte du quai, s'en éloigne lentement pour disparaître derrière la digue. La foule suit et monte sur la dune pour voir s'éloigner le bateau au large de l'île.
Quand on connaît la suite, on se pose une question : N'aurait-il pas été mieux pour pour ces condamnés que leur navire ait connu la mésaventure du Port Caledonia : un naufrage tout près de là, sur les rochers d'Antioche aux abords de l'île d'Oléron. Leur peine de bagne n'était-elle pas plus lourde, plus dure qu'une peine capitale ?
Les condamnés à la transportation au bagne de Guyane n'étaient pas forcément des criminels ou des bandits. Il y avait parmi eux de nombreux relégués, récidivistes de petits faits ou même de quelques larcins que la faim les poussait à commettre. Il y a également eu ceux qui furent injustement condamnés alors qu'ils étaient innocents : Dieudonné pour l'affaire de la bande à Bonnot, Dreyfus, et Seznec qui pose toujours interrogations et tant d'autres.
Je vous conseille deux livres passionnants et faciles à lire. « Au bagne » écrit par Albert Londres ou vous trouverez le calvaire de Dieudonné entre autres, et « La dernière bagnarde » de Bernadette Pécassou-Camebrac qui nous raconte l'incroyable et poignante histoire de Marie Bartête, la dernière femme morte au bagne de Saint-Laurent du Maroni.
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