Triste nouvelle que celle du décès ce vendredi 3 Mars 2017 de cette légende vivante du football que fut Raymond Kopa.
Il fut le héros de mon enfance. Dans la pièce principale qui faisait Salle à manger, Cuisine et « salon », la radio avait une place importante sur le buffet. Cette radio à lampes avec sa longue antenne en cuivre enrouléé comme un ressort était avec mes lectures ma distraction, une fenêtre sonore ouverte sur le monde. Je me souviens très bien des retransmissions des matchs de l'équipe de France de Football lors de la coupe du monde en 1958. C'est ainsi que j'ai découvert ces joueurs qui devinrent mes héros : Remetter, Colonna, Marche, Marcel, Penverne, Jonquet, Piantoni, Fontaine, Wiesneski, Vincent et Kopa.
Kopa qui fut mon préféré et dont je suivis les exploits partout où il joua. À Reims bien sûr, puis au Réal de Madrid avec ces dieux du football qu'étaient Di Stefano, Puskas, Gento … Puis de nouveau à Reims. J' aimais Kopa, j'étais Kopa sur les terrains de foot, sur la place du village. Comme lui j'étais le plus petit sur le terrain. À onze ans, ma communion faite, je fus libéré des messes « obligatoires » le dimanche matin. Aussitôt j'ai remplacé la fréquentation de l'église par celle du terrain de football. Je me suis inscrit au club de football de l'Association Sportive d'Ambazac. Mes parents étaient installés comme commerçants dans ce Bourg situé au cœur des collines verdoyantes du Haut-Limousin,à une vingtaine de kilomètres au Nord de Limoges. Très vite j'ai disputé les matches en catégorie « minimes » entre équipes de la Haute-Vienne. Des matches qui se déroulaient plutôt bien sauf quand notre adversaire était le Limoges Football Club ; nous revenions toujours avec une défaite sévère. Les minimes du LFC étaient entraînes par Bernard Delcampe un ancien joueur professionnel très apprécié.
Une anecdote vraie, à la fois truculente et « funeste » restera dans ma mémoire. Pour transporter notre équipe le dimanche matin là où nous avions match avec l'équipe adverse, la commune utilisait le corbillard municipal. C'est dire que ce corbillard connaissait des extrêmes entre son travail de la semaine et celui du dimanche. Pour le retour, victoire à l'appui ou défaite, nous ne faisions jamais mine d'enterrement. Il y avait de l'ambiance dans le corbillard. Je me souviens que nous mangions nos sandwiches et buvions nos jus de fruits. Un bout-en-train avait trouvé un jeu « macabre » en nous demandant de nous baisser pour nous dissimuler, d'attendre quelques minutes et soudainement il nous demandait de nous lever bras en l'air en criant. Imaginez l'effet de surprise des occupants des voitures qui se trouvaient derrière nous avant de nous dépasser !
Je jouais plutôt bien ce qui fut apprécié par les dirigeants du Club qui m'intégrèrent dans l'équipe des cadets. J'ai toujours été d'un petit gabarit et je jouais donc avec des garçons qui étaient mes ainés de deux ans et qui étaient beaucoup plus grands et costauds . Sur terrain sec je trouvais bien ma place et je n'avais rien à envier à mes équipiers et adversaires. Comme beaucoup de petits en taille, j'étais véloce, je me faufilais bien dans la surface de but. Cependant dans cette région du nord du Limousin les saisons d’automne, d'hiver et de printemps étaient souvent très pluvieuses et les terrains de football parfois à la limite du praticable. Dans ces conditions j'étais très handicapé et les costauds me faisaient manger de la boue. J'en ai gardé des souvenirs souvent épiques mais parfois douloureux. Le pire des stades était celui de Chateauponsac avant qu'il ne soit déplacé. C'était un véritable bourbier où le ballon ne pouvait pas rebondir, il fallait le pousser de flaque en flaque avec son enrobage de terre lourde. Les ballons de l'époque étaient en cuir non traité et se gorgeaient vite d'eau!
Alors Kopa c'était mon surnom sur le terrain mais il le devint vite en ville. Surtout après mon coup d'éclat comme remplaçant de dernière minute dans l'équipe réserve Seniors. Ce Dimanche après-midi là, devant un public amusé j'ai disposé avec facilité de mes adversaires directs, j'ai remonté seul le terrain pour me retrouver sur la gauche du gardien de but osant tirer dans un angle très fermé et réussissant à marquer le but de la victoire. L'exploit du jour d'un gamin qui se jouait d’adversaires plus âgés et plus grands. Le fait fut retenu et mes parents qui étaient commerçants entendirent parler de ce match du petit Kopa par les clients. Ce jour là était aussi celui du dernier match du capitaine de l'équipe Première, un nommé Desproche. Une coupe lui fut remise en l'honneur des ses nombreuses années passées au club, pour son capitanat très apprécié et pour ses qualités de sportif à l'esprit très « fair-play ». Desproche avait marqué ce club à sa place de défenseur courageux, rigoureux. Je fus désigné pour lui remettre cette coupe et j'ai gardé une photo de ce moment, de cette belle journée pour moi. Photo un peu symbolique avec le valeureux partant et le petit espoir que j'étais pour le club. Malheureusement six mois plus tard mes parents se séparaient et j'émigrai avec ma mère à Paris dans des conditions difficiles. Fini pour moi un avenir au sein du club de football à Ambazac.
À Paris je fus plutôt perdu au début. L'année suivante, en 1963 je m'inscris au club de football du PLXV. Je fus bien considéré par les dirigeants qui me firent aussitôt jouer en compétition. Ils surent vite comprendre que j'avais le sens du placement et une bonne vision du jeu. Mais je ne réussis pas à m'intégrer à l'équipe, mes coéquipiers jouaient entre copains et me délaissaient. Je ne faisais que travailler pour gagner le ballon qui ne me revenait jamais. Quand j'étais démarqué le ballon ne m'étais jamais adressé. Je me suis découragé et j'ai abandonné le football. Ce n'est que quinze ans plus tard que je repris la pratique de ce sport en compétition avec le club de l'Organisation Internationale où je travaillais. Le petit Kopa n'étais plus que l'ombre de ce qu'il avait été. Mais pour le plaisir j'ai pratiqué le football jusqu'à quarante cinq ans.
Kopa fut pour moi le footballeur de référence et le restera. En 1961 mes parents qui n'étaient pas des intéressés du football avaient voulu m'offrir de voir mon idole qui venait disputer avec Reims un match contre le Limoges F.C . Nous étions arrivés 5 minutes en retard après le début du match et quand on s'installa dans la tribune je vis une civière qui ramenait Kopa qui avait été sévèrement taclé par une défenseur adverse. Voilà ce que fut ma première rencontre ratée avec Kopa. C'est Lemenan qui entra pour la première fois avec le Stade de Reims pour remplacer Raymond Kopa blessé. Plus tard c'est à Paris que je vis Kopa sur le terrain lors des mémorables matches de Reims contre le Racing Club de Paris où contre le Red-Star. Je garde un souvenir spécial du dernier match joué dans l'ancien Stade du Parc des Princes qui opposa Le Racing de Paris à Reims. Ce fut je crois le dernier match de Roger Marche.
Le 15 Décembre 2010 je devais partir sur l'île d'Oléron pour y finir l'année. J'appris la venue de Raymond Kopa ce jour là à Tours pour dédicacer son livre « Le Kopa ». J'ai alors décidé de reporter mon départ au lendemain pour rencontrer celui qui fut mon grand héros du football. Rencontre sympathique, dialogue d'autant plus chaleureux et intéressant que Raymond Kopa m'invita à m'assoir à coté de lui pour parler des souvenirs de sa carrière. Il avait gardé cet enthousiasme, cet amour du ballon rond et des années qu'il avait partagées avec Piantoni, Fontaine expliquant cette extraordinaire complicité faite d'amitié et de reconnaissance mutuelle de leurs talents. Ils jouaient, ils aimaient le jeu avant tout, le beau jeu m'a t-il dit.
Kopa fut dans la vie à la hauteur de sa grandeur sur les terrains. Un homme de grande dignité, de clairvoyance, de lucidité. Suite à la perte de son fils à l'âge de Quatre ans et demi après un dur combat perdu contre un cancer, Kopa avait été généreux pour la recherche contre cette maladie. C'était un homme de cœur, discret. Ses dernières années il m'a raconté qu'il les partageait entre Angers, la ville de son premier club professionnel où il s'était installé, et sa propriété en Corse . Lors de notre rencontre je lui fis part d'un document filmé intéressant disponible sur le site de l'INA. Curieusement il ne connaissait pas ce document et aurait aimé le voir. Je lui ai demandé si il avait une adresse de courriel pour lui transmettre. Il me répondis que non, qu'il ne touchait pas aux choses de l'ordinateur, que sa fille le faisait pour lui. Malheureusement il ne connaissait pas non plus l'adresse courriel de sa fille !

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