Parmi les 1 300 000 combattants pour la France qui sont morts sur les champs de bataille, Louis Berthomier, mon grand Oncle, fut l'un des premiers d’entre eux. Il fut tué lors du premier affrontement entre les armées française et allemande à Juvrecourt, près de Luneville (Meurthe-et-Moselle), le 14 Aôut 1914, lors de la bataille de Morhange. On comptera 17 tués, 32 disparus, 7 bléssés ce jour de premier affrontement.
Ce jour d’anniversaire de l’Armistice, de souvenir, et de commémoration des victimes des combats de la première guerre mondiale, nous renouvelle encore que ces soldats sont morts pour notre pays, pour nos libertés. Mon âge me permet d’avoir des connaissances de cette guerre. Mes grands-parents en furent, d’autres de ma famille, des voisins, des connaissances aussi. J’ai entendu leurs témoignages, les récits de ce qu’ils avaient vécus. Entre 1914 et 1918 la France a engagé huit millions cinq cent mille combattants. 1,300 millions sont morts, Une moyenne de 900 par jour. Beaucoup d’autres sont morts ensuite de leurs blessures, ou des conséquences des gazages comme mon grand-père maternel. Ceux-là n’ont pas leurs noms gravés dans la pierre des monuments communaux. 3 millions furent blessés, 600 000 en sortirent invalides.
Je pense à Louis Berthomier, frère aîné de ma grand-mère maternelle. A l’âge de vingt et un ans, dès le premier affrontement de cette "grande guerre", le 14 Août 1914, il périt sur le champ de bataille à Juvrecourt près de Luneville en Meurthe-et-Moselle[1] . Alors qu'il était en permission durant l'accomplissement de son service militaire, les gendarmes vinrent lui présenter son ordre de mobilisation immédiate. C'est dans un pailler que Louis-François se réfugia pour s'isoler. Ses parents inquiets l’ont cherché longtemps avant de le trouver en pleurs. Louis-François avait-il cette intuition horrible que ce départ sur le front lui serait fatal? Il fit sa valise et dès le lendemain prenait le train pour rejoindre son régiment.
Après la défaite de 1870, Luneville, Morhange, c’était la frontière. L’Allemagne avait annexé l’Alsace et la Lorraine. Soldat du 156ème R.I., Louis Berthomier fut avec son régiment de la première offensive française de cette bataille appelée Bataille de Lorraine, avec la 2ème armée du général De Castelnau qui se dirigeait vers Morhange. Les français y étaient attendus par les VIéme et VIIéme armées allemandes réunies sous le commandement du Kronprinz Rupprecht. Le Kronprinz doit engager le combat avec les forces françaises pour les fixer au centre, pendant que l'aile droite de l'armée allemande, dans le cadre du plan Schlieffen encercle ses adversaires. Les troupes allemandes qui ont une doctrine d'emploi des mitrailleuses beaucoup plus efficace que celle de l'adversaire, infligent de lourdes pertes à l'infanterie française. Celle-ci encore vêtue d'uniformes datant du XIXe siècle avec des capotes bleues et des pantalons rouges, pratique la tactique d'« offensive à outrance en vogue depuis le début du siècle et construite sur des charges en rangs serrés dès que le contact est établi avec l'ennemi. Après quelques succès initiaux qui permettent aux deux armées françaises de pénétrer d'une vingtaine de kilomètres à l'intérieur du territoire allemand, l'offensive française s'arrête[2].
Ce furent les circonstances du décès de Louis-François Berthomier qui eut ce malheur de tomber sous le feu de l’ennemi le premier jour au premier combat de cette guerre et peut-être la "chance"de ne pas connaître la même fin après des années passées dans cet enfer. Il fut le premier mort de la commune de Lathus (86390) où son nom est gravé sur le monument des héros de la patrie.- Louis Berthomier -, connu sous son prénom usuel de François pour mieux le distinguer de son père dont le prénom était aussi Louis. Comme les autres victime de ce premier affrontement avec les soldats ennemis, il fut enterré dans le cimetière de Juvrecourt. Sa dépouille fut ensuite tranférée au Cimetière militaire de Courbesseaux (arrdt de Luneville) le 21 Avril 1920 (tombe N° 290 Section B).
A toi grand-oncle que je n’ai jamais connu, à vous tous chers combattants disparus, je dis que nous ne vous oublions pas, que souvent je pense à vous. Vos vies sacrifiées doivent faire l’objet de grande reconnaissance en ce jour officiel de souvenir, et de combat quotidien pour préserver ces acquis que vous avez chèrement défendus: Les idéaux Républicains de Liberté, d’Egalité, de Fraternité, de Paix, de Solidarité.
Je pense à toi grand-père qui fut de ces horribles combats.
Brancardier sur le front, comme vous il a vécu dans ces tranchées insalubres. Si froides l’hiver, ruisselantes d’humidité, désolantes d’inconfort. Enterrés comme des rats vous attendiez la prochaine attaque. Vous pensiez qu’elle serait peut-être la dernière et que vous ne reverriez jamais votre famille. Mon grand-père allait chercher les blessés durant le combat. Avançant sur ce champ de bataille boueux et défoncé par les obus, à travers les tirs ennemis. Laissant ceux qui avaient succombé pour revenir les chercher après l’attaque. Hissant sur le brancard les blessés et les transportant dans la tranchée pour des premiers soins précaires. Ils étaient ensuite conduits à l’arrière, hors de la zone dangereuse dans des hôpitaux de fortune installés dans une école, dans une église, dans un bâtiment transformé en lieu de soins et d’opérations urgentes. Avec un matériel souvent sommaire et des médicaments trop rares, beaucoup finirent là ou se virent amputés. Beaucoup perdirent un œil ou furent défigurés à vie. C’est ainsi qu’ils survécurent, avec une jambe comme l’oncle Léon, ou sans, avec un bras en moins, avec une gueule « cassée » et furent les témoins vivants des atrocités de cette guerre.
Toi, grand père tu étais revenu vivant et entier malgré ton engagement dans les deux terribles batailles de Verdun. Entier mais traumatisé d’avoir vu mourir tant de soldats, d’avoir vu tant de blessés que tu sortais des entrailles de la terre. Tu restas silencieux sur ces jours de calvaire, sur ces horreurs que tu vécus. Tu n’avais pas choisi d’y être, tu fis ton devoir de combattant sans jamais en tirer orgueil ou gloire. Tes distinctions, tes médailles honorifiques restèrent dans un tiroir sans que tu ne les sortes. Elles ne te rappelaient que la désolation, les amis tombés, la folie des peuples qui s’affrontaient et qui n’avaient comme issue qu’une défaite. Il n’y a jamais de vainqueurs dans une guerre, il n’y a que ravages, ruines, morts, et familles détruites. Les banquets d’honneur qui suivirent la fin de la guerre ne te virent pas. Tu ne comprenais pas qu’il fut possible de festoyer en buvant et en chantant au souvenir de ces combats si sanglants qui firent tant de victimes. Tu vécus dans le silence, sans jamais vouloir dire ces horreurs que tu avais connues. Tu n’en revins pas indemne. Ta conscience, propre, était tourmentée et repassait ces images atroces. Les gaz que tu avais respiré durant les combats, avaient attaqué tes viscères et tu finis dans la souffrance crachant ton foie dévoré par les conséquences de ton exposition à l’ypérite.
Combattants, Grand-père, merci d’avoir défendu notre liberté, notre nation, notre république. Merci d’avoir donné à notre pays, à vos enfants et aux suivants les chances d’une vie meilleure. L’histoire a montré qu’il fallut affronter une autre guerre mondiale et ses conséquences lourdes pour à nouveau espérer. Pour en arriver aujourd’hui, en temps de paix encore instable et incertaine, à une situation inquiétante que vous souhaitiez nous épargner. Nous ne serons jamais à la hauteur de ce que vous surent être. MERCI A VOUS.
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[1] Informations relevées et transmises par Mr le Maire de la Commune de Lathus (Pierre Compain).
[2] Contenu soumis à la licence CC-BY-SA 3.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/deed.fr) Source : Article Bataille de Morhange (1914) de Wikipédia en français (http://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Morhange_(1914)).
Je joins ce poème de mon ami Gilles Michaud, plein de vérité, de sensibilité, d'émotion http://gillesmichaud.over-blog.com/article-14-18-88367021.html
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